18h30. Nettoyage de peau.

Je suis sûre que vous vous interrogez sur ma restauration ? Je peux vous rassurer : ils ont bien pris soin de moi, ils m’ont bichonnée et je suis en pleine forme.
Commençons par une anecdote sur ma première restauration. Lorsque je suis arrivée au Louvre en 1821, j’étais vraiment en piteux état. Lange, le responsable de l’Atelier Sculptures et Marbres du Louvre voulait me «compléter», comme c’était l’usage à l’époque, en me rendant mon pied droit, mon gros orteil gauche, mon nez… et surtout mes bras. Sauf que personne ne savait ce que j’étais censée faire avec mes bras. Vous vous doutez bien que je n’avais pas la force de le leur dire. Finalement, incapables de se mettre d’accord, ils ont décidé de ne pas me rajouter de bras et se sont contentés de me refaire un nez, un pied gauche et un gros orteil droit en plâtre, de me «gratter», et de reboucher les trous. C’était une première à l’époque. Et ça a d’ailleurs été la cause de nombreux de mes déplacements : mes voisins ne supportaient pas de côtoyer une œuvre «non complétée» ! D’ailleurs, vous pouvez retrouver mes différents emplacements en suivant les «sols en étoile».
Revenons à mon récent check-up. Cela faisait 40 ans que je n’avais pas bougé : depuis mon voyage au Japon. C’est probablement pour me remercier de ce voyage qu’un mécène japonais a rendu possibles ces travaux !… Mais je m’égare… Cette fois, je devais monter un étage le temps qu’ils restaurent les salles du rez-de-chaussée et il fallait prendre les mesures nécessaires pour avoir la certitude que je n’allais pas me briser pendant le déplacement. Pour cela, il n’y avait qu’une solution : faire venir le Centre des Etudes Atomiques pour faire une gammagraphie afin de savoir ce que j’avais à l’intérieur (une radiographie ne traverse pas le marbre). Pour protéger ce qui m’entoure, y compris vous, il a fallu installer des plaques de plomb et fermer le quartier. Est-il nécessaire de préciser que cela s’est déroulé la nuit ?

Suite à cet examen, ils ont vu que je pouvais me déplacer d’un étage. Mais une fois là-haut, ce n’était pas fini, il a fallu analyser ma surface pour savoir comment me nettoyer sans abîmer ma peau. C'est ce jour-là que vous ne m'avez pas vue, et que j’ai eu le droit à mon soin du corps ! De plus, ils ont préparé les instructions et préconisations pour ceux qui prendront soin de moi à l’avenir.
En tout cas, je peux vous dire que je suis bien fière de me présenter à vous sous mon plus beau jour et je leur en suis bien reconnaissante.